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Intéressant aussi pour les plongeurs bouteille car il y a des similitudes intéressantes avec l’« après » ADD.
| Chacun a son histoire, chacun décide s’il veut ou non la partager et chacun décide du sens à lui donner. Je vais vous partager la mienne. |
Cette sensation est étrange … il fait noir et pourtant, il me semble que mes yeux sont ouverts. C’est comme si j’étais dans une pièce sans lumière. Je sens qu’on me bouscule, je ressens des mains sur mon corps, j’entends des bruits lointains et sourds. Délicatement, les sons se précisent, ce sont des voix familières. Soudain, il fait clair et je distincte parfaitement les voix et les visages de mes copains qui sont autour de moi, couche sur le sol au bord du bassin. Je comprends que quelque chose vient de se produire car dans mon dernier souvenir, je tournais au mur des 100 m et je relançais mon palmage. C’était le 19 mars 2020 et le soir même, les piscines fermaient pour cause de COVID 19.
Vous l’aurez compris, nous n’allons pas aborder la partie théorique de la syncope mais plutôt la partie relative à « l’après ». En d’autres mots, comment on surmonte cela, comment on se remet à l’eau et comment on avance à nouveau ! L’idée de cet article n’est pas de dédramatiser la syncope mais de la démystifier pour, d’une part, oser en parler en étant honnête avec soi-même et avec les autres, et d’autre part, identifier les paramètres dont il faudra tenir compte pour la suite.
Lors de ma première mésaventure, avec laquelle l’article commence, je repars avec un tas de questions, de doutes et beaucoup de temps devant moi pour les ruminer puisque les piscines resteront fermées pour un très long moment. Je n’ai pas toutes les clés pour interpréter ce qui m’est arrivé, mais j’ose en discuter avec certaines personnes. C’est déjà une étape dans le processus.
Ce qu’il s’est passe : les mois et semaines précédentes, je progressais bien en apnée dynamique. J’avais déjà touche le fameux mur des 100 mètres mais jamais plus. Début de semaine, j’arrive même à réaliser un 3 x 100 m. Je suis en super forme. Fin de semaine, au dernier entrainement, je décide, en fin de session, de faire plus que 100 m. En réalité, je voulais même faire 112 m pour symboliser le numéro d’appel aux services de secours. La fin de l’histoire, vous la connaissez.
Nous sommes ici dans un cas d’école. C’était une longue distance en fin d’entrainement, jamais réalisée auparavant, assortie d’un stress relatif à l’objectif à atteindre et surement avec une légère hyperventilation. Tout était réuni, soyons honnête. Même si c’est important, le plus important n’est pas la (c’est le sujet de cet article), le plus important, à présent que c’est arrivé : ON FAIT QUOI ?
La reprise, bien plus tard, en piscine n’a pas été simple, d’autant plus que je privilégiais d’avantage les sorties en carrière et le passage de mon brevet de moniteur apnée. Cependant, les ancrages mentaux de cette dernière expérience sont bien présents et la relance aux 50 m est même difficile à faire. Mike me conseille de leurrer le cerveau en partant non plus d’un bord du bassin mais plutôt d’un autre endroit sur la longueur de la piscine et d’y aller aux sensations. Excellente idée, mais la soif d’air aux 75 m est trop forte pour moi. Les entrainements restent variés et j’essaie de ne plus être dépendant d’un chiffre.
Fin 2021 et début 2022 (un temps certain s’est donc écoule …), le déclic ! En effet, j’apprends qu’une compétition sera organisée en Belgique. Je n’en ai jamais faite et je me dis que ce serait un bel objectif que de faire 100 m en compétition. Je m’entraine en statique comme en dynamique de manière plus assidue mais toujours pas de 100 m fin 2021. Je cale, à peine arrivé à 85m. Je comprends finalement que ce n’est pas la soif d’air. C’est tout simplement de la peur !
Dès la reprise des entrainements début 2022, je décide de travailler ma technique et ma vitesse de palmage pour changer un peu et varier les entrainements et je constate que j’arrive vite au mur des 50 m. Les sensations sont même très bonnes. Je dis alors à Marie que je vais tenter plus en me laissant guider par mes sensations. Je me lance, j’arrive dans la zone des 80 m, les contractions sont bien présentes, une voix dans ma tête me dit : « sors de l’eau, c’est trop dur ! », des flashs de ma mésaventure me reviennent mais alors que je suis sur la petite profondeur, une autre voix me dit aussi : « on va le faire, fais-moi confiance, je suis avec toi ! » et le temps que cette bataille de pouvoir ne se règle à l’étage, j’étais, enfin, arrive aux 100 m.
Ce fut une délivrance. Un ancrage mental venait d’en remplacer un autre, je me vois encore sourire à la sortie de l’eau !
2024 fut une année de compétition durant laquelle j’ai été suivi et aide par un coach, mes entrainements ont été réellement étudies et calibres. Cependant, une autre mésaventure m’est arrivée, cette fois en statique lors d’une compétition. Ce qu’il s’est passe : la compétition se déroule à Paris. Celle-ci s’intègre dans le cycle d’entrainement et je dois réaliser un temps cible de 5 min 45 sec au maximum. Nous avons en effet mis des bornes avec le coach car il y a aussi la dynamique à faire ensuite.
La configuration du bassin est assez inhabituelle puisque cette pataugeoire a un fond de presque 160 cm là où nous devons concourir et que le rebord ou nous pouvons nous appuyer est presque 40 cm plus haut que la surface de l’eau. Pas très pratique, tout cela. Bref, je me prépare suivant ma routine habituelle et je vais ensuite en face des juges. Je vois encore la petite safety a ma droite qui était les pieds sur un tabouret dans l’eau … Je me souviens que durant la perf, je n’avais pas facile, que la phase d’inconfort s’était rapidement installée et qu’ensuite, en phase de lutte, tout avait été très vite car en essayant de me relâcher, j’ai perdu le focus et je me « suis entendu » lâcher des bulles.
La suite : il fait noir, des voix sourdes et puis très rapidement, de la lumière et la petite safety sur ma droite aidée par un autre qui était arrivé comme par magie, car lui, il n’était pas là au départ. La, par contre, je ne repars pas avec un tas de questions et de doutes. J’ai même les clés pour interpréter ce qui est arrivé. C’est l’avantage d’avoir un entraineur expérimente à ses cotes. Dans notre cas, les entrainements ne sont pas à remettre en cause. Ce que nous aurions dû revoir, c’est le temps cible de 5 min 45 sec a la baisse étant donne la configuration du bassin et les contraintes qu’il engendre. En effet, en fin de perf (en hypoxie), essayer de saisir le bord a 40 cm plus haut que le plan d’eau sans pouvoir se mettre sur ses appuis correctement, ce n’est pas simple et c’est ce qui a malheureusement joue en ma défaveur sur cette compétition. J’ai donc appris qu’il y a des points sur lesquels nous n’avons pas de prise ou d’influence. C’est important de le savoir et de connaitre deux choses. La première, c’est que vous ne devez pas dépenser d’énergie ou stresser pour essayer de les changer. La seconde, c’est que comme ce paramètre est immuable et que vous le connaissez, vous pouvez adapter vos objectifs. Mais pour cela, il faut aussi de l’expérience. C’est cette expérience qu’on acquiert en compétition en faisant parfois des contreperformances. On apprend plus de nos erreurs que de nos succès à condition d’en parler, d’être aide et entoure.
La reprise en piscine, après une semaine de repos post-compétition, n’a d’ailleurs pas été compliquée du tout. Tout était clair dans mon esprit, dans mon corps et je me sentais d’ailleurs plus fort car enrichi d’une expérience. Surtout, ne pas interpréter ceci en pensant que la syncope serait une étape obligée pour progresser ! Ce n’est clairement pas le cas.
Pour conclure, je dirais que l’engagement mental que vous mettez dans votre performance peut être fort puissant, jusqu’à vous conduire trop loin dans vos limites, mais il est aussi très puissant pour vous permettre de rebondir ou franchir de nouveaux caps dans votre progression. Restez à l’écoute de vos sensations, plutôt que de regarder les secondes ou les mètres, elles ne vous tromperont pas.
| « Le temps est une mesure inventée par les hommes qui cherchent à tout quantifier mais en réalité, il ne représente que l'espace qui sépare deux émotions. » |
Olivier Renier
Les Diodons